AFRIQUEMEDIUM.COM-Dans un entretien avec la chaîne YouTube H5 motivation, l’ancien président Macky Sall a fait des confidences sur son parcours politique, son accession à la présidence, les défis auxquels il a dû faire face. Sa vision d’ingénieur, son engagement auprès du président Wade, les trahisons, sa gouvernance ainsi que sa vie après cette haute station, ont été les sujet abordés. Pour lui, le développement réside dans les actions menées pour assouvir les besoins basiques des populations, c’est pourquoi il s’est attelé à mettre en œuvre le Pse, mais aussi tous les programmes d’urgence qu’il a créés pour soulager les Sénégalais tout au long de son magistère. Interpellé sur son éventuelle candidature au poste de secrétaire général de l’Onu, l’ancien chef d’Etat dit avoir les capacités de refonder l’organisation pour l’aider à faire face aux nombreuses crises qui se sont déclarées, donc sa candidature n’est pas écartée.

Macky Sall s’est lâché hier sur H5 motivation. L’ancien président de la République du Sénégal est revenu largement sur son parcours et certaines épreuves auxquelles il a dû faire face dans son compagnonnage avec Me Wade, avant son accession au pouvoir. Il a surtout insisté sur les sacrifices consentis pour faire émerger le Sénégal.
En exemple, il brandit la gestion du pétrole et du gaz. Pour éviter que le Sénégal reproduise les mêmes erreurs que beaucoup de pays pétroliers ont faites, le président Macky Sall dit avoir pris certaines mesures dans ce sens. D’abord la création d’un Institut supérieur du pétrole et du gaz pour former les meilleures élites dans tous les domaines. «Aujourd’hui, je suis heureux de constater que les promotions qui sont sorties de cet institut occupent les positions de management à la fois technique, économique et financière», a-t-il déclaré. Il a ensuite, dit-il, impulsé une batterie de lois pour encadrer l’exploitation future du pétrole, notamment l’interdiction pour l’Etat d’engager des dettes en mettant en gage les ressources dans le sous-sol. Il y a eu aussi la création d’un fonds pour la génération future qui bénéficie de 10% des recettes etc.
Lors de son entretien, l’ancien président de la République (2012-20124) a partagé beaucoup d’anecdotes dont celle qu’il a vécue à Tomboronkoto dans la région de Kédougou, pour la mise en service d’une centrale électrique. «Il était un peu tard et quand la lumière a jailli de l’obscurité, il y a eu un tel cri strident de cet enfant et nos regards se sont croisés. Il était à la fois heureux mais émerveillé. Le sourire de cet enfant m’a marqué et m’a fait comprendre que l’essentiel, quand on gouverne, ce n’est pas dans les bâtiments,  mais le bonheur que l’on peut donner aux populations avec  des choses basiques », assure-t-il avant de revenir sur les nombreux programmes qu’il a fallu mettre en place pour répondre aux besoins des Sénégalais sous son magistère. «Il y avait une vision de développement sur le long terme, le Pse sur un horizon de 20 ans, mais au même moment, il y avait des priorités qu’il fallait gérer, c’est pourquoi j’ai développé ces programmes d’urgence, mais aussi toute la partie solidarité, parce que je suis très sensible à l’humain. L’Etat donnait des subventions directes pour les transferts d’argent, la gratuité des soins pour les enfants et les personnes âgées», renseigne l’ancien chef de l’Etat qui estime que le développement, c’est d’abord apporter des solutions aux problèmes vitaux de la personne.

«Quand Wade a voulu me confier le ministère de l’Intérieur en 2003, je n’étais pas très emballé»

Abordant son engagement politique, Macky Sall assure que la politique est venue à lui avant même qu’il ne soit ingénieur, indiquant qu’il était déjà engagé dans les partis de gauche alors qu’il était étudiant. Le président Macky Sall est largement revenu sur son adhésion et son évolution au sein du Parti démocratique sénégalais. «Quand le président Wade a voulu me confier le ministère de l’Intérieur en 2003, je n’étais pas très emballé, parce j’étais un technicien, donc je voyais d’un mauvais œil le ministre de l’Intérieur qui apparaissait comme le ministère de la répression, mais il a insisté en m’assurant que c’était une nécessité. Je n’y ai fait que 8 mois, mais c’était 8 mois intenses, d’enseignements, parce que le président avait un contentieux avec son Premier ministre pendant cette période», rappelle Sall.

«En politique, lorsqu’on vous désigne pour vous abattre, le vide s’organise automatiquement autour de vous»

A l’en croire, c’est lorsqu’il a été envoyé à l’Assemblée nationale, après la réélection de Wade en 2007, que les problèmes ont commencé entraînant sa destitution en tant que président de l’Assemblée nationale et sa démission du Pds, de son poste de maire de la ville de Fatick.  C’est quand il a repris la mairie après la création de son parti que son ambition présidentielle s’est dessinée.
Revenant sur ses moments de solitude au Pds, le président Macky Sall déclare : «lorsque, dans le combat politique, on sent que la terre se dérobe, qu’on  vous  désigne pour vous abattre, le vide s’organise automatiquement autour de vous. Les gens sont peut-être gentils, mais personne ne voudra mourir avec vous. Quand je partais en déplacement en tant que Premier ministre, ce n’était pas moins de 30 véhicules qui venaient avec moi. Les gens se battaient même pour être là, mais à partir du moment où vous êtes en disgrâce avec le président, certains n’osent même pas se montrer à vos côtés», affirme Sall, qui assure qu’en tant que président de l’Assemblee nationale, quand il devait accompagner le president ou l’accueillir à l’aéroport, il était isolé, seul dans le salon.

«Je n’oublie pas ceux qui m’ont trahi, mais ce n’est pas essentiel»

Tous les prétextes étaient bons, selon lui, pour ne pas l’approcher. «Mais, lorsqu’on sent que le combat est inévitable, on fait face. C’était un combat qu’on m’a imposé et je l’ai assumé, sans savoir ce que j’allais devenir. En créant mon parti, j’ai plongé avec une poignée d’amis dans cette aventure. Nous avons décidé de nous éloigner de toutes les couleurs connues, parce que nous étions rejetés aussi bien par le parti au pouvoir que l’opposition. On a donc choisi le marron avant d’y ajouter le beige, sur conseil de ma femme, la tête de cheval et 15 étoiles qui symbolisaient les 14 régions du Senegal et la diaspora, mais on nous a demandé d’enlever les étoiles», soutient Macky Sall, qui affirme avoir rendu ses passeports diplomatiques qu’il n’a retrouvés qu’après son élection en tant que président de La République.

«Quand je me fâche contre quelqu’un, c’est presque définitif»

Pour Macky Sall, lorsqu’on s’engage en politique, il faut se départir de tout ce qui est sentiment de revanche, en comprenant que les choses fondamentales pour lesquelles vous vous battez sont de loin plus importantes que les petits crimes entre copains ou les trahisons. «Il y a des trahisons tout le temps dans la vie et à tous les niveaux, mais cela ne doit pas vous décourager par rapport à l’essentiel de votre objectif. Beaucoup me disent : ‘’vous pardonnez toujours tout’’. Je n’oublie pas ceux qui m’ont trahi, mais ce n’est pas essentiel, parce que l’histoire ne retient même pas cela. L’histoire retient les progrès qu’on fait faire à son pays, donc si on se concentre sur un tel m’avait fait ça quand j’étais en disgrâce, c’est parce qu’on n’est pas digne d’assumer le rang de leader qu’on prétend être», déclare le président Sall. Pour lui, «autant des gens vous trahissent autant des gens se tuent pour vous et parfois sans rien attendre. Je ne suis plus président mais ceux qui me soutiennent et prient pour moi sont de loin plus nombreux que ceux qui m’ont trahi. J’ai choisi de ne pas m’attarder sur certaines considérations. Je sais me fâcher, mais ça arrive très rarement et quand je me fâche contre quelqu’un, c’est presque définitif. J’ai une très grande capacité d’absorption et je ne m’emporte pas très vite. Je suis très posé, très pondéré et je sais encaisser, tout  comme je sais fermer les portes et fenêtres quand c’est nécessaire».
L’ancien président de la République du Sénégal a profité de l’occasion pour magnifier la puissance et la solidité de l’Etat du Sénégal en soulignant le travail qu’il entreprend à chaque alternance pour assurer la transition. Et en parlant de transition, Macky Sall estime que les nouvelles autorités doivent changer d’abord la loi qui définit le Pse comme unique référentiel des politiques publiques avant de lancer d’autres lois.

«Je sais encaisser, mais je sais fermer portes et fenêtres quand c’est nécessaire»

Il est aussi revenu sur les événements qui ont précédé sa victoire en 2012. «Nous suivions les résultats de la présidentielle dans notre suite, à l’hôtel Radisson, quand le représentant de la mission européenne est venu me voir. Vers 21h 30, le président Wade m’a appelé. J’ai d’abord parlé à Karim et il a passé le téléphone au président Wade qui m’a annoncé ma victoire en me félicitant. Je l’ai remercié avant d’envoyer mes hommages à sa femme et ses enfants. Le représentant de l’Union européenne qui avait suivi la conversation était étonnée que je prenne la nouvelle avec autant de calme. Moi je voyais la charge qui m’attend».

«Onu : je ne suis pas encore candidat,  mais je ne l’écarte pas»

Par rapport à sa candidature au poste de secrétaire général des Nations-Unies, l’ancien président sénégalais reconnaît que c’est un sujet qui est sur la table depuis quelque temps. «Beaucoup de personnes, beaucoup de pays et même beaucoup d’organisations pensent que je devrais pouvoir candidater pour le poste de  secrétaire général de l’Onu. Je pense que mon expérience personnelle qui est partie du local au régional, puis au global devrait pouvoir me permettre avec tout le cheminement que j’ai fait, d’aider à bâtir une organisation nouvelle, refonder à la lumière des difficultés que l’Onu a aujourd’hui pour que les blocs qui s’affrontent puissent se parler. Les crises sont là, complexes,  multiformes. Nous avons donc besoin d’une organisation crédible qui puisse parler à tous pour éviter cette fragmentation. Je pense avoir les capacités de parler aux uns et aux autre mais je ne pourrais envisager de candidater dans l’hypothèse où cela serait une volonté des pays qui le souhaitent, les pays membres, notamment ceux membres du Conseil de sécurité, en particulier les membres permanents, le Sénégal, le monde islamique auquel j’appartiens. Je ne suis pas encore candidat, mais je ne l’écarte pas», promet-il.
Par rapport à la transition qui a suivi sa vie de président, Macky Sall dira : «cette transition, je l’ai vécue de façon sereine, parce j’ai choisi de ne pas être candidat pour un nouveau mandat, alors que j’aurai pu, au terme de la Constitution sénégalaise. Donc je m’étais fait à l’idée de redevenir un citoyen simple à la fin de mon mandat. Si on est conscient que ces positions éminentes le sont pour un moment, pas pour l’éternité, on doit pouvoir assurer la transition sans difficulté», dit-il en révélant avoir utilisé une partie de 2024 et l’année 2025 à beaucoup travailler sur les questions climatiques. Je me suis même remis au Coran pour essayer de lire l’arabe. J’ai essayé aussi de rester connecté à mon parti pour accompagner comme je le peux et d’avoir une activité intellectuelle intense. J’étais au sommet de l’Etat depuis 25 ans, il me fallait avoir du recul, de voir le monde autrement», dit-il.